Les joies de la visio : je parle à des bulles !
Être formateur en 2021, c’est savoir s’adapter : passer du physique au numérique, du contact visuel à celui seul de la voix. S’il est essentiel de changer nos habitudes à l’ère du sans contact, pour les formateurs cela veut aussi dire apprendre à faire preuve de flexibilité !
Ce matin, j’ai envie d’écrire sur ce que j’ai vécu lors de l’animation d’une formation en visio. Déjà, je remarque que mon correcteur d’orthographe refuse le mot Visio… Il propose vision.
Il faudra le mettre lui aussi « à la page » parce que c’est un des mots les plus prononcé aujourd’hui : « Je peux pas, j’ai visio ! ». Si vous êtes formateur, ou formateur en devenir, vous vous reconnaîtrez probablement dans les lignes qui vont suivre...
Les joies de la visio
Vendredi matin, il est 9 heures, j’attends mes ouailles. Après un petit moment de flottement, on discute avec les premiers arrivants pour « meubler », ils sont au nombre de 7.
J’ai une seule personne en visio, elle prend tout l’écran et moi, je suis toute petite, en bas à droite, mais je vais être en face de ce petit moi toute la journée.
J’ai vue sur son intérieur, un tableau de paysage au-dessus de sa tête, des bibelots posés sur les étagères, c’est vivant et cela ressemble à une maison de campagne, chaleureuse, décorée et un peu ancienne, presque désuète. Comment tout de suite ne pas se sentir à l’aise, un peu invitée chez elle avec son sourire de bienvenue.
Je parle à des bulles !
Bon, il va falloir commencer, j’ai six ronds de couleur devant moi et je dois cliquer sur les ronds pour voir les noms. Je demande à mes ronds si ils peuvent allumer leur caméra et argumente comme je peux sur les avantages de se voir, la convivialité et le confort pour la formatrice, l’interactivité pour les jeux de rôle… Mais là, j’ai dû leur faire peur.
Visiblement ils ne sont pas tous convaincus et je reste perplexe devant leur argument majeur : « je n’ai pas de webcam sur mon ordinateur »…
Finalement, l’un des stagiaires allume sa webcam, il est à contrejour et je ne distingue que les contours de son visage. Un autre le suit mais me prévient qu’il devra bientôt enlever sa caméra pour laisser la connexion à sa femme, elle aussi en visio.
Je précise que je suis à Paris et mes stagiaires en région parisienne, si jamais un opérateur lisait ce texte… Un quatrième, ho miracle, s’installe en visio mais ce ne sera que par intermittence et je ne le reverrai pas de l’après-midi. L’une d’entre eux n’a pas d’ordinateur (bien qu’elle soit en télétravail), l’écran de son smartphone est cassé donc elle suivra le stage avec son téléphone mais sans écran.
À ce moment-là de la journée, je prends mon deuxième café…
J’ai pris beaucoup de notes pour m’aider à « mémoriser » mes stagiaires invisibles et mon imagination à fait le reste. Je pense avoir vécu le plus surprenant de la journée, mais les péripéties ne font que commencer !
Au milieu de la formation, un de mes stagiaires disparaît. Je n’ai jamais su pourquoi. La très jeune femme qui avait cassé son téléphone a passé l’après-midi dans sa voiture. Trop de bruit chez elle… Nous avons donc dû échanger avec le bruit de la circulation.
Mon vis-à-vis principal a passé un peu de temps au téléphone avec son médecin (mais c’était urgent), nous avons dû lui demander de couper le son.
J’ai bien aimé la bouille du petit garçon malade resté à la maison et qui me montrait ses jouets, celui qui demandait de l’argent à sa mère, celui qui parlait au téléphone à côté de son père. J’ai évité les disputes et un peu fermé les yeux, mais pas trop. Bref j’ai « géré » ?
Je crois pouvoir dire qu’ils ne se sont pas trop ennuyés, merci les jeux de rôles et la dynamique de groupe (ça fait un peu ésotérique, mais les formateurs comprendront) pour un vendredi, milieu ou fin de Covid, fin janvier, fin du monde, heu non, excusez-moi.
En puisant dans mes réserves d’énergie, j’ai réussi, bon an mal an, à stimuler, à récupérer mes stagiaires et à ne pas les perdre. Je me pose la question de comment un formateur débutant, sans l’expérience et sans l’entraînement, aurait-il pu gérer cette situation ?
À propos, je viens de recevoir un mail du stagiaire perdu :
